Et la lumière fut!
Bon je vais passer pour un vieux grincheux réactionnaire, mais vraiment, je ne pouvais pas clore cette année bien triste sans parler de mon avis sur le manque de créativité qui frappe un paquet de secteurs en ce moment (et oui, pas que le jeu vidéo).
Je vais prendre le jeu vidéo comme exemple parce que c’est
un secteur que je connais bien, mais je suis certain que vous pourrez retrouver
le même phénomène dans d’autres secteurs.
D’ailleurs, je lisais une interview de Thierry Ardisson dans le GQ de ce mois-ci et il résumait très bien le problème ; Thierry (oui on est intime) parlait avec une amie qui travaille pour une grande joaillerie ; celle-ci lui explique les budgets monstres dépensés par le département marketing pour faire des études de marché et « designer » les futurs produits de la marque.Ce à quoi Thierry a répondu : « Si vous aviez un créateur de talent, vous n’auriez pas besoin de tant dépenser en marketing ! ».
C’est en effet un bon début pour la réflexion.
L’étude de marché (appelée par abus « marketing »)
est en effet souvent vitale pour les entreprises car elle permet de se rassurer
avant de lancer un produit. Et c’est vrai que généralement, si une étude est bien
menée et qu’elle confirme qu’il y a un marché, vous ferez des ventes. Pas
forcément faramineuses, mais vous ferez surement quelque chose.
Le vrai problème actuel, et c’est le cas de nombreux
dirigeants dans pas mal de secteurs, c’est de croire que l’intégralité de la
stratégie doit être basée sur l’étude de marché.
Parlons jeu vidéo : il est très courant que les « faiseurs » de line-up décident de lancer tel jeu non pas parce que c’est une bonne idée, mais parce que tel autre éditeur a lancé un même type de jeu et que celui-ci a cartonné.
Et c’est une erreur. Car raisonner sur le passé (notamment niveau chiffres de ventes) ne vous garantit absolument pas à 100% que vous ferez les mêmes scores que le prédécesseur.
J’ai vécu ce problème avec notre série Horse Life, dont le premier exemplaire a cartonné ; mais dont la suite a vendu 2x moins alors que le jeu est meilleur que le premier opus.
La faute aux éditeurs concurrents qui ont tous décidé de
sortir leur jeu de cheval, aboutissant à un Noël 2008 avec 15 (oui 15 !!)
jeux d’équitation sur DS…
Le même problème peut vous arriver avec vos propres jeux
entre eux : Guitar Hero 5 se vend beaucoup moins que les précédents opus.
Et c’est limite « mérité » puisque, par souci
« marketing », le jeu n’a pas évolué depuis le premier opus.
On touche ici le fond de ma pensée : quand le marketing
bride la créativité, on aboutit à un appauvrissement global en qualité, qui est
suivi par un appauvrissement en nombre de ventes.
Imaginez que je suis un jeune japonais, et je viens taper à
la porte d’un éditeur avec le jeu suivant, aujourd’hui, en 2010 (oui on va dire
que je vais voir l’éditeur après les fêtes bien arrosées). Je lui propose le concept suivant : un plombier pas
vraiment jeune voit sa copine princesse se faire enlever par un lézard géant
maléfique ; il va donc devoir la sauver en sautant sur des tortues, en
cassant des briques avec sa tête et en mangeant des champignons pour être plus
puissant.
Même si j’ai une démo de mon jeu, je suis fortement persuadé
qu’il ne sera jamais accepté par aucun éditeur. Parce qu’on me dira que mon jeu
« Mario » est en inadéquation avec la cible, que ça ne correspond à
aucun jeu dans cette catégorie et que franchement, faut vraiment avoir fumé de
l’herbe bien dégueulasse pour pondre une histoire pareille.
Bref, on serait passé à côté d’un classique d’aujourd’hui.
J’avais lu un article sur le cinéma, qui expliquait que lui
aussi avait connu sa crise de créativité à un moment donné (je ne peux vous
citer les dates, je vous laisse enquêter) ; que c’était la crise
financièrement parlant, et qu’en conséquence toute l’industrie préférait se
focaliser sur les genres qui fonctionnaient, pour être certains d’être
« in the money ».
L’espoir qu’on peut avoir pour le jeu vidéo, c’est que le
cinéma a été capable de rebondir ensuite, en proposant deux types de
cinéma : les grosses prods commerciales, et le cinéma plus indépendant
(qui lui aussi a parfois droit à ses succès).
Mais, et ce sera mon dernier paragraphe sur ce sujet qui
commence à être long, je ne suis pas d’accord non plus pour diaboliser le
marketing ; comme le font beaucoup trop de gens.
Bien utilisé en combinaison d’un talent créatif, vous pouvez
aboutir à de jolies choses en amorce de production (Assassin’s Creed, c’est
quand même cool par exemple, non ?)
Et c’est également un outil essentiel une fois que le jeu est terminé, pour le faire connaître au monde entier et lui assurer un succès suffisant pour pouvoir lui donner une suite ; ou financer d’autres projets originaux.
Oui oui ça sert le marketing et je peux vous assurer que
vous n’auriez pas acheté Guitar Hero s’il n’y avait pas eu tout ce battage
médiatique derrière (oui, Guitar Hero c’est une repompe d’un jeu de Konami,
vous vous êtes faits avoir bande de consommateurs !)
Donc pour sortir de ce marasme, il serait bon de prendre plus de risques ; je sais que c’est étrange comme raisonnement (risquer dans une période risquée…) mais ce sera vraiment le seul moyen pour faire éclore des talents et aboutir à des hits absolus, comme mon futur jeu nommé Super Mario (hein ? quoi ? ça existe déjà ?!)